Entrepreneurs : vos nouveaux outils de financement
Publié le :
18/10/2018
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En 2015, la Commission européenne lançait son « Action Plan » dans le cadre du projet Capital Markets Union (CMU) tendant à l’intégration, le renforcement et la dynamisation du marché de capitaux européens.
Ce troisième pilier du Plan d’Investissement pour l’Europe, (le Capital Markets Union) dont l’importance a été réaffirmée par une résolution du Parlement européen en 2016 i et soutenue à maintes reprises par le Conseil, comporte trois objectifs fondamentaux :
- Diversifier les sources d'investissement pour les entreprises ;
- Offrir aux investisseurs européens davantage d'opportunités d'investissements ;
- Lever les obstacles aux investissements transfrontaliers.
Il s'agit d'initiatives de différentes natures, parmi lesquelles 19 de nature législative. La plupart d'entre- elles sont débattues au Conseil et au Parlement Européen ce moment, dans l'espoir qu'elles puissent être adoptées avant la fin de la présente législature.
Parmi les actions les plus significatives notons :
- La proposition de réforme des ESAs (les Autorités de contrôle des marches Boursier, Bancaire et d'Assurance), visant à renforcer la supervision européenne des marchés (qui est probablement la plus controversée et qui a du mal à avancer dans le processus législatif)
- Les nouvelles normes sur la Titrisation (déjà adoptées)
- La proposition de PEPP, un nouveau produit de pension pan-européen volontaire, portable et bien encadrée qui devrait offrir aux investisseurs institutionnels des nouvelles opportunités d'investissement et aux citoyens une porte d'accès "sécurisée" aux marchés des capitaux ;
- Le renforcement du capital-risque au sein de l'Union européenne, en réformant le cadre juridique applicable aux fonds européens de capital risque (European Venture Capital Fund Regulation – EuVECA) ainsi qu'en utilisant les ressources budgétaires européennes, pour créer un Fonds de Fonds européen (VentureEU) ;
- La réforme du prospectus (document que les sociétés doivent produire lorsqu'elles font une offre de titres au public). Avec la simplification de ces prospectus, il est permis notamment à davantage de sociétés de lever des fonds propres sur les marchés boursiers ;
- La proposition d’un règlement – en mai 2018 - réduisant les lourdeurs administratives lorsque les sociétés souhaitent se coter sur un Marché de croissance PME, tel qu'Euronext Growth en France
- L'élimination des barrières à la commercialisation intracommunautaire des fonds d'investissement, qu'ils soient UCITS ou AIFs (…)
Or, un prêt bancaire ou une émission d'obligations ne sont pas toujours la forme de financement la plus appropriée pour une PME, surtout pour une start-up, encore plus si innovante, car se révèlent souvent trop contraignant pour ses dirigeants, qui doivent immobiliser des actifs à titre de garanties et se concentrer sur le remboursement de la dette plutôt que sur le développement de leur activité.
A cet égard, nous sommes encore loin du modèle américain qui se place en avant-garde des financements en actions pour les PME (0.8% du PIB américain contre 0,15% du PIB européen en 2017).
Quant aux investissements en fonds propres à travers le financement participatif (crowdfunding), le capital risque (venture capital), le private equity et les business angels ; malgré notre progression au cours des dernières années en Europe, nous restons bien loin encore de ces mêmes marchés américains.
Dans ce cadre, la conférence du 5 octobre 2018 qui s’est tenue au Palais de la Présidence du Conseil de Ministres à Rome, réunissant un panel d’acteurs politiques, économiques et financiers européens, nous a offert un panorama complet des mesures de financement des PME portés par le CMU.Et parmi les 70 mesures à délivrer au terme 2019, nous allons porter notre attention sur deux nouveautés majeures :
1 - Le crowdfunding :
Le crowdfunding -produit assez méconnu malgré sa notoriété croissante- est un bel outil de financement surtout pour les entrepreneurs innovants qui se retrouvent souvent face à des situations paradoxales voire ubuesques, tant sur la rigidité de principe des institutions bancaires en termes de garanties, que sur des exigences en termes de prévisions financières improbables à un stade embryonnaire de ces projets.
L’avantage du recours au crowdfunding- en plus de mettre en liaison projets et capitaux privés- est de permettre une analyse de l’accueil d’une idée/projet par le grand public et d’attirer d’éventuels investisseurs par la même occasion.
Toutefois, la méconnaissance et le manque de sécurité entourant ce type de financement faillissent à attirer des candidats potentiels.
La Commission européenne s’est donc penchée sur le sujet, et afin de favoriser le recours à ce financement alternatif pour les PME/Start-ups, propose la mise en place d’un passeport européen (sous forme de label) garantissant l’intégrité et l’adéquation iii entre profil d’investisseur et entrepreneurs.
Ce cadre européen ne sera qu’optionnel pour les plateformes de financement participatifs, qui auront la possibilité de disposer d'un passeport européen unique dans le but de faciliter l’activité transfrontière de financement par le crowdfunding, tout en se rassénant d’une garantie de transparence et de sécurité de leurs activités.
À cet effet, des processus de compliance et de prévention des conflits d’intérêts seront intégrés aux structures de ces plateformes afin d’empêcher certaines d’entre-elles de retirer un quelconque avantage de la promotion directe d’un projet plutôt qu’un autre auprès des investisseurs.
Cet outil permettra tant aux PME/Start-ups qu’aux investisseurs de sortir de la paralysie du système de financement traditionnel et de se concentrer sur le développement de leurs objectifs, dans un cadre identifié dont la structure et les règles seront sécurisées transparentes et accessibles.
2 - Le listing des PME :
Un deuxième constat est que de moins en moins de PME décident de se coter en bourse - nous sommes en effet loin des niveaux pré-crise (50% en moins) – en cause : la lourdeur du formalisme administratif, l’absence de connaissance de la règlementation des marchés boursiers et surtout les coûts d’entrée en bourse, sont tout autant de freins dissuasifs pour les entrepreneurs.
Les règlements MIFID et Abus de marché, ont paru les principaux vecteurs de cette dissuasion. Aussi, une opération d’injection de proportionnalité des règles contenues dans ces deux instruments a été entamée afin de permettre aux PME de s’affranchir des problématiques de limitations contraignantes.
En effet, parmi les 40 systèmes multilatéraux de négociation (MTF) mettant l’accent sur les PME de l’UE, seuls trois ont été enregistrés jusqu’à présent comme Marchés de croissance des PME. Cette initiative facilitera davantage l'enregistrement des MTF en tant que Marchés de croissance des PME en modifiant les mesures d'application (règlement délégué de la Commission) au titre de la directive MiFID II :
- Remplacement de la définition actuelle des PME émettant uniquement des obligations par un simple critère de « taille de l’émission », c’est-à-dire 50 millions d’EUR sur 12 mois.
Ce changement facilitera l’enregistrement de plates-formes de négociation (spécialisées dans les obligations de PME ou permettant l’émission d’obligations ou d’actions) en tant que marchés de croissance des PME.
In fine, cela permettra à davantage de sociétés cotées en bourse de bénéficier d'allégements ciblant les émetteurs du marché de croissance des PME.
- Offrir plus de flexibilité aux PME du Marché de croissance sur l'opportunité d'imposer ou non l'obligation de produire des rapports semestriels sur les émetteurs de titres de créance de PME.
À l'heure actuelle, les émetteurs de titres de créance axés sur les marchés de croissance des PME doivent produire un rapport financier semestriel. Il s’agit d’une exigence plus stricte que celle qui s’applique aux émetteurs d’obligations d’investisseurs professionnels sur des marchés réglementés.
- Elever les seuils à partir desquels un prospectus doit être publié. Cette élévation des seuils à environ 8 millions d’euros permettra à la plupart des PME de s’affranchir de l’obligation de diffuser un prospectus sur les titres qu’elle décide d’émettre au public, lui épargnant alors des coûts importants.
- En revanche, il n’est pas exclu d’imposer aussi bien aux grandes entreprises qu’aux PME, d’indiquer dans leurs bilans annuels, la valeur ajoutée de leurs actions en termes écologique, social et de gouvernance. Cette obligation inciterait les 90% des acteurs économiques européens à se responsabiliser quant à leur impact dans le jeu social.
En tout état de cause, les propositions de la Commission et le résultat final escompté se devront d’atteindre le compromis et l’équilibre tendant à favoriser la diffusion des nouvelles techniques de financement et à alléger les règles d’entrée en bourse pour les PME.
Ce, en gardant toujours à l’esprit le besoin de préserver la protection du consommateur, de l’investisseur, et de l’intégrité du marché, afin d’éviter le spectre de la crise des subprimes, résultat d’un accès illimité et non régulé aux crédits bancaires.
En parallèle, certains Etats membres actionnent d’ores et déjà des projets innovants pour connecter capital et entreprises ; en Italie par exemple, où la Bourse Italienne au travers de la London Stock exchange, a lancé une procédure entièrement digitalisée sur la plateforme Elite, qui met en relation directe investisseurs / entrepreneurs, avec en option : la mise à disposition des services d’une société de conseil.
Le tout est digitalisé de A à Z, avec la possibilité de diffuser un appel à lever des fonds sans passer par le circuit boursier.
De l’offre au closing, le projet se met entièrement en place via la plateforme sans nécessité de rencontre ou réunion. Une initiative qui ne saurait tarder à être suivie dans d’autres Etats Membres (la France connait d’ailleurs un système plus ou moins similaire).
Toutes ces portes ouvertes représentent un eldorado du financement alternatif qui méritent une attention particulière et surtout un suivi constant de la part des professionnels du droit qui auront à cœur de guider leurs clients dans la création, le financement et la mise en place de leurs projets d’entreprise.
Enfin, on ne saurait omettre de préciser que cette modernisation de l’économie traditionnelle des marchés de capitaux européen, est corrélée de deux questions essentielles :
En effet, tant la question des finances durables (la sustainable finance qui fera l’objet d’un prochain article) -dont les objectifs sont d’encourager les institutions financières et les investisseurs en général à diriger leurs fonds vers des produits économiquement durables selon une taxonomie européenne spécifique- et l’encadrement de la digitalisation des marchés financiers (FinTech Action Plan, mars 2018 iv ), seront des leviers majeurs et indissociables de cette transition globale.
Iris Taleb
Avocat – Lawyer
i Resolution on stocktaking and challenges of the EU Financial Services Regulation: impact and the
way forward towards a more efficient and effective EU framework for Financial Regulation and a Capital Markets Union (2015/2106(INI).
ii Comm. Eur., Communication du 2 décembre 2015, Voyez le texte de l'Action Plan de la Commission Européenne
iii Par exemple les investisseurs-épargnants seront prémunis de participer à la capitalisation de projets par essence risqués grâce à un suitability test obligatoire et préalable, sur la plateforme labellisée en question.
iv Comm. Eur., COM (2018) 109/2, FinTech Action plan: For a more competitive and innovative European financial sector.
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